Au Panama, les jeunes autochtones jouent un rôle essentiel pour assurer la connectivité et le développement des compétences numériques au sein de quatre organisations de producteurs autochtones de la région de Ngäbe Buglé. ©FAO/Catalina Acosta
Dans l’ouest du Panama, dans la région montagneuse de Ngäbe Buglé, les changements météorologiques imprévisibles font partie du quotidien. Les variations brusques du climat de cette région tropicale peuvent surprendre si l’on n’a pas l’habitude de passer d’un grand ciel bleu à des pluies diluviennes en l’espace d’une journée.
C’est au cœur de ces collines, loin des grandes villes, que vivent les peuples autochtones Ngäbe Buglé, mieux connus sous le nom de Ngäbes. Ces femmes et ces hommes ont l’habitude de parcourir de longues distances, à pied ou à cheval, sur des chemins de terre difficiles d’accès et parfois rendus impraticables par la pluie.
Dans ce cadre de vie, les Ngäbes sont en contact permanent avec la nature, et leur isolement leur a permis de préserver leurs traditions et de renforcer leur sentiment d’appartenance à une communauté.
Cependant, cette situation crée également certains problèmes, comme des taux de pauvreté élevés et un accès insuffisant aux services de base, surtout lorsque les routes sont inaccessibles. Dans cette région, où l’agriculture de subsistance et l’élevage occupent une place importante, les agriculteurs familiaux et les jeunes en quête de débouchés économiques dans l’espoir d’une vie meilleure peuvent aussi parfois souffrir du manque d’infrastructures adaptées. L’accès à la connectivité numérique, par exemple, est souvent compliqué, surtout lorsque la connexion internet, déjà trop faible pour se connecter depuis un ordinateur, est interrompue par la pluie.
Les formations aux outils numériques proposées par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et la République populaire de Chine dans le cadre d’une initiative conjointe permettent de surmonter certains de ces problèmes persistants. Dans le cadre du programme de coopération Sud-Sud, la FAO et la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes ont lancé un projet de transformation numérique et d’innovation dans l’agriculture pour aider à redynamiser les moyens de subsistance en milieu rural et soutenir les petits et moyens producteurs au Panama et dans 11 autres pays de la région.
Dans le cadre du programme de coopération Sud-Sud mené conjointement par la FAO et la Chine, des spécialistes chinois ont dispensé une formation sur l’agriculture numérique et fait part de leur propre expérience aux membres de la communauté. ©FAO/Catalina Acosta
Au Panama, quatre organisations de producteurs de la région Ngäbe Buglé ont participé à ce projet. Pendant la phase de conception, pour soutenir l’équipe, le Ministère de l’agriculture et des affaires rurales de la Chine a envoyé dans la région deux experts, l’un spécialisé dans l’agriculture numérique et l’autre dans le développement du numérique en milieu rural, qui ont fait part de leur expérience, dispensé des formations aux techniciens de la FAO et du Gouvernement et discuté avec les membres des communautés locales.
Juan Cedeño, 20 ans, et Milka Rodríguez, 23 ans, tous deux membres de la communauté Ngäbe, se sont particulièrement réjouis de cette occasion qui leur était offerte et ont fini par jouer un rôle incontournable dans la mise en œuvre du projet. Ces deux jeunes autochtones aident leurs familles dans leurs activités agricoles tout en suivant des études en éducation interculturelle bilingue à l’Université autonome des peuples autochtones.
Tous les vendredis, ils se rendent à l’université, située à Llano Tugrí, puis ils rentrent chez eux le dimanche, à Cerro Tula et Cerro Gavilán. Pour Juan, le trajet jusqu’à l’université, dont une partie doit se faire en marchant, peut prendre entre une heure et demie et deux heures, et le voyage de retour, qu’il fait généralement entièrement à pied, lui prend environ quatre heures.
Milka et Juan ont commencé à participer au projet après que leurs parents, responsables de deux des associations locales, ont insisté pour qu’ils suivent cette formation organisée à la Fondation Nuestra Señora del Camino qui, avec l’Institut d’innovation agricole du Panama, a joué un rôle essentiel dans la mise en œuvre de l’initiative.
«L’occasion s’est présentée avec la venue de la FAO et mon père a voulu que je participe parce que les technologies progressent déjà et que nous devons nous familiariser davantage avec ces outils», se souvient Milka.
«Je me suis intéressé à cette association grâce à ma mère, qui y participait déjà. Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours aimé prendre part aux projets qui ont un impact positif pour ma communauté», explique Juan.
Pendant cinq semaines, Milka et Juan ont aménagé leur emploi du temps et adapté leurs responsabilités pour pouvoir assister aux cours, afin d’enrichir leurs connaissances et d’acquérir de nouvelles compétences au sujet de l’utilisation d’internet, des réseaux sociaux, des logiciels professionnels et des tablettes et ordinateurs portables.
Ils se sont démarqués par l’intérêt qu’ils ont manifesté et l’investissement dont ils ont fait preuve pendant la formation, aidant d’autres élèves et prêtant main-forte à l’animateur.
Arquimedes Pérez, Spécialiste de la technologie de l’information au Bureau sous-régional de la FAO au Panama, les a félicités pour leur talent et leur esprit d’initiative et leur a demandé d’aider à installer les antennes et le matériel technologique fourni aux associations.
Milka et Juan l’ont accompagné pendant des mois, apprenant à configurer les tablettes et les ordinateurs portables et à résoudre les erreurs techniques les plus courantes. Ils ont également été formés à l’entretien et la maintenance des panneaux solaires installés pour alimenter les quatre associations locales en électricité.
«Les jeunes assurent la relève de nos communautés», affirme Arquimedes. «Nous faisons participer les jeunes de toutes les collectivités, de sorte qu’ils puissent apporter un soutien de première ligne à leurs associations», explique-t-il.
Arquimedes Pérez a appris à Milka et à Juan à installer et configurer les antennes satellites, à connecter les ordinateurs et tablettes au Wi-Fi et à assurer l’entretien des panneaux solaires et autres technologies fournis dans le cadre du projet. ©FAO/Catalina Acosta
Grâce à leur participation au projet, Milka et Juan ont pu moderniser leurs activités, développer de nouveaux circuits de vente pour les produits de l’organisation de producteurs et en apprendre davantage sur d’autres sujets qui les intéressent.
Ils ont même créé des comptes sur les réseaux sociaux pour promouvoir et commercialiser des produits. Milka, par exemple, a déjà vendu des produits artisanaux, des céréales et des légumineuses à des personnes aussi bien au sein de la communauté qu’en dehors.
Par ailleurs, ils peuvent tous les deux consulter des informations en ligne sur les techniques agricoles, les prévisions météorologiques et les marchés, ce qui est essentiel pour prendre des décisions concernant les récoltes et le fonctionnement de leur exploitation.
Milka et Juan transmettent les connaissances qu’ils ont acquises aux autres jeunes de la communauté pour les aider à mieux utiliser les appareils technologiques et à résoudre les problèmes courants qui pourraient se présenter. Les nouveaux outils numériques promettent à l’ensemble de la communauté, et surtout aux jeunes, un meilleur accès à l’information et des perspectives plus favorables.
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